Depuis quelques années, les adultes ont pris conscience de l’importance des émotions. Ils s’ouvrent à cette dimension de l’être humain : certains avec hésitation et d’autres avec maladresse.
Les adultes d’aujourd’hui sont les enfants d’hier, de l’époque où les émotions étaient niées, dénigrées ou carrément réprimées. Faisons un petit tour dans le passé pour se rappeler « l’air ambiant » autour des émotions.
La joie devait être contenue parce qu’il fallait montrer notre côté raisonnable et trop rire n’était pas sérieux, donc mal vu. La peine était acceptée aux funérailles mais avec parcimonie. Pleurer sans débordement était de mise pour montrer force et contrôle. L’apparence était sacrée. Le dégoût était tout simplement un caprice et la curiosité un défaut. L’enfant curieux dérangeait car il mettait « son nez » partout, posait trop de questions, voulait tout voir et tout découvrir. L’amour était normé et il valait mieux ne pas être trop démonstratif. La peur était vite étouffée par des injonctions du type : ce n’est rien, tu n’es plus un bébé, ça va passer, pense à autre chose. Il y avait aussi les insultes : peureux, pisseusse.
Quant à la colère, elle n’avait tout simplement pas le droit d’exister. Enfant, si par malheur, des cris, des « non bien sentis » sortaient de la bouche, ou que les yeux ne regardaient pas l’adulte, ou que les oreilles étaient bien fermées avec deux mains par-dessus, alors la claque, les reproches et les humiliations arrivaient vite.
Veux, veux pas, les adultes d’aujourd’hui portent cet héritage. Une des émotions qui pose encore problème est la colère. Elle n’est pas aimée. Elle est souvent confondue avec l’agressivité ou la violence. La colère déniée ou refoulée peut mener à ça mais pas la colère ressentie et écoutée.
L’attachement et les neurosciences affectives nous dévoilent la vraie nature de la colère. Elle fait partie des émotions primaires. Elle est inscrite dans la physiologie de l’être humain. C’est une fonction vitale. Nous ne décidons pas d’être en colère; elle vient toute seule. Comme nous ne décidons pas de respirer, par exemple. La colère se manifeste par des signaux corporels, notamment, le rythme cardiaque plus rapide, la respiration dominée par l’expiration et les tensions musculaires (mâchoire, main, épaule). Ces signaux apparaissent quand nous vivons une frustration, une injustice, une perte ou une humiliation. La colère effectue son travail : elle nous informe que ça ne va pas et que nous devons faire quelque chose.
Enfant, ayant été habitué à ne pas ressentir la colère, à la voir comme mauvaise et qu’être fâché ce n’est pas beau, les adultes d’aujourd’hui sont souvent désemparés face à leur propre colère ou celle de leur enfant. Les réponses les plus courantes pour « faire face » sont le refoulement, le boudage (colère retournée contre soi), le retrait et la décharge verbale ou physique. Ces réactions font que la colère reste bloquée et qu’elle s’accumule, prend une grosse partie de notre énergie et entraîne des maux physiques.
Celle qui vous écrit, a encore du chemin à faire pour ressentir la colère et l’écouter. Intellectuellement, je sais que la colère renforce l’autonomie, a un effet relaxant, qu’elle se traduit par un sentiment de puissance dans tout le corps et fait disparaître l’anxiété. Si la colère me crie injustice, je dois donc agir. Si la colère me fait voir la perte, je dois la croire et laisser monter les larmes. Si la colère n’en peut plus d’être humiliée, je dois m’éloigner de ces personnes ou les dénoncer. Si la colère me rappelle continuellement, que je suis frustrée à mon travail ou dans mes relations, je dois y prêter attention et me mobiliser. Je peux vous dire qu’à chaque fois que je suis allée dans le sens de la colère, le soulagement, le bien-être et le changement ont été au rendez-vous.
C’est pourquoi, je vous invite à entrer en contact avec les sensations de la colère et d’oser dire ce qui vous dérange. La colère est utile pour honorer nos limites, nos besoins, nos droits et notre intégrité. Respecter notre colère, c’est découvrir sa richesse et c’est nous respecter.
Les adultes d’aujourd’hui ont la volonté, les connaissances et les mots pour faire parler la colère. Ils ont les atouts pour expérimenter. Ce faisant, ils « se soignent » de l’anxiété et du mal-être, sont plus détendus et en plus, ils servent de modèles aux enfants.
Si vous désirez partager avec moi, vos moments de colère « réussis », j’ai l’ouïe « ben fine ».
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