L’aîné sent qu’il se prépare quelque chose : sa mère fait sa valise, son ventre est de plus en plus gros et son père est aux aguets. Puis, tout d’un coup, ils s’en vont et le laisse avec Grand-mère et Grand-père.
L’enfant âgé de 2/3 ans est encore immature pour composer avec toutes les émotions autour de l’arrivée d’un bébé. Il essaie de rester zen parce que les adultes lui répètent que « c’est ben l’fun ce qui s’en vient ».
Mère et père reviennent à la maison avec le bébé. La joie les anime et l’aîné est content de les voir contents. Il est aussi curieux : c’est quoi « cette affaire si petite ». Il veut voir comment ça marche. Après tout à 2/3 ans, c’est en touchant que l’on apprend. L’enfant va mettre son doigt sur le nez, les yeux, la bouche et il peut même lui tirer les oreilles. Sa curiosité semble embêter ses parents. Il le trouve trop brusque et ils sont là à le surveiller continuellement. L’enfant ne sait plus comment se comporter. Il est perdu.
Puis, la fatigue s’installe et une certaine impatience. Il doit attendre parce qu’il est grand maintenant (ah oui? hier, il était pourtant leur bébé). Il doit être raisonnable et comprendre que ses parents sont débordés et en train de s’adapter. Il doit attendre et encore attendre. Lui aussi est pas mal fatigué et contrarié. Rien n’est plus pareil. Avant il avait ses parents à lui tout seul et maintenant, il doit partager. Il est désorienté.
Aussi, il lui arrive d’entendre une espèce de grondement à l’intérieur de lui. Son bras part, sa main tape, son corps se roule par terre. Ses parents lui disent d’arrêter. C’est trop pour lui, les adultes ne voient donc pas comment c’est injuste d’être le deuxième alors qu’il est arrivé le premier. Et il se demande (sans se demander avec des mots car son cerveau pensant ne le peut pas encore) : « je n’étais pas assez bien pour eux ? ». Il se sent incompris.
Il vit de la colère et à d’autres moments, il est inquiet. Il a comme une boule en plein milieu du corps. Il a la peur au ventre : que va-t-il arriver si ses parents ne veulent plus de lui? Il se sent menacé. Ils ont beau lui répéter que leur cœur a de la place pour deux, il n’est pas rassuré du tout.
Imaginez la même situation du côté des adultes : « Tu sais je t’aime encore mais j’ai rencontré une autre personne, que j’aime aussi, et je lui ai demandé de venir vivre avec nous dans notre maison ». Allez-vous sauter de joie?
Que faire?
D’abord, reconnaître que l’aîné vit un grand chamboulement. Essayer de le raisonner ne le rejoint pas. Il n’a pas la maturité pour analyser le contexte, ni les mots pour exprimer les émotions qui l’envahissent.
Quand l’enfant chigne, pleure « comme un gros bébé-lala », court partout, réclame vos bras, « fait mal » au bébé, s’isole, se réveille souvent la nuit, dites-vous qu’il est accaparé par des émotions intenses. Il est atteint dans ses tripes et c’est par là qu’il est possible de l’apaiser et de lui montrer qu’il a toujours une place.
Prendre soin de ses émotions, c’est ce dont il a besoin
Il peut être triste (pleurs beaucoup, souvent, peu), avoir peur (agité, renfermé), être en colère (explosif, implosif). Peu importe le type de détresse, approchez-vous de lui et prenez-le dans vos bras. Amenez-le à pleurer avec vous, nommez ses peurs (de ne pas être assez bien? d’être délaissé?), identifiez ce qu’il ressent (injustice, perte, déception).
Une fois « ses tripes détendues », il retrouve sa bonne humeur et surtout, il se sent écouté et compris. Sa soif d’apprendre, son intérêt pour le jeu refont surface ainsi que le désir de mieux connaître le nouveau-venu.
L’enfant de 2/3 ans, accompagné dans toutes ses émotions, sait profondément qu’il peut compter sur l’adulte. Il est sur son X. Le nouveau bébé n’est plus une menace et devient réellement intéressant.
L’enfant peut alors continuer à grandir. Après tout, c’est ce qu’il veut et ses parents également!
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